19 May 2008

Des voies tombent ; des légendes surgissent - David Graham

Des voies tombent ; des légendes surgissent - David Graham

Florent Wolff writes about the French loosing ground and about the new American mysterious wonder kid who's taken over the show: Dave Graham. 8a.nu claimed Dave to be climber of the year 2000 but many were doubtful, they were wrong! Florent raises the question about humbleness and beeing the best. Is it a contradiction? Maybe not, but there is no media at the rocks and they need both reporters and sponsors. In a response to the article, Nicolas Girrault says: "I do not see any reason for a rock climber not to be advertised in the media, as long as it remains fair with other climbers and with the sport ethic. Web sites, magazines, films, events dedicated to rock climbing do count. All of this emphasises the community, makes people be passionate and dream."
Is Dave's drive fame or feeling? We can not judge. In the long run, it's only the real adrenalin junkies that climbs to survive.

Le moins que l’on puisse dire est que l’année 2001 restera sûrement dans les annales comme celle qui aura vu l’explosion d’un jeune grimpeur, quasi inconnu un an plus tôt, Dave Graham. Quelques-uns se souviennent de lui par la voie qu’il avait ouverte à Rumney (dans le nord est américain), un 9a au caractère très bloc : The Fly. Mais, les Européens, les Français tout particulièrement, restaient encore dubitatifs sur la valeur et la réelle difficulté de ces voies du nouveau continent ouvertes par des jeunes inconnus (entendez, qui ne font pas de la compétition), persuadés d’avoir encore l’exclusivité des itinéraires extrêmes et des falaisistes de talent. Cette hégémonie chauvine se trouva remuée par l’arrivée de grimpeurs comme Tommy Caldwell ou Chris Sharma dont les performances en Espagne (8b+ flash pour Caldwell avec Hydrophobia) et en France (l’enchaînement rapide de la première partie de Biographie et ses essais concluants dans l’intégrale pour Sharma) avaient inquiété quelques-unes de nos stars nationales de la varappe. Depuis l’ascension d’Action Direct par Iker Pou, grimpeur espagnol pour le moins discret (et qui l’est resté depuis, en tout cas en France où la presse spécialisée ne lui a rarement consacré plus d’un quart de bas de page), les performances de jeunes grimpeurs espagnols (Pablo Barbera, Ramon Julian qui s’offrent des 8c+ avec une rapidité étonnante sans oublier les " anciens " comme Iker Pou, Dani Andrada ou Josune Bereciartu) et américains se multiplient.

Cet hiver, la scène bleausarde a été ébranlée par un groupe de grimpeurs américains dont le jeune Dave Graham semble être le fer de lance. Il a ainsi répété en une saison (dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle fut franchement pluvieuse) la quasi-totalité des blocs extrêmes de la forêt ouverts en dix ans. Tout en se payant le luxe d’en décôter les plus célèbres (Fatman), d’en flasher d’autres tout aussi mythiques (C’était demain, Miséricorde, …), voir même de s’offrir le première d’un vieux projet très en vu du Cuvier-Rempart (désormais " bon " 8b). Combien de grimpeurs étrangers découvrant Bleau dont les blocs sont réputés spécifiques et ingrats (surtout les premières fois) furent capables de flasher des 8a et de grimper les projets des locaux avant eux ? Ainsi, le séjour de Dave Graham à Bleau restera longtemps gravé dans les esprits, tout comme celui qu’il effectue en ce moment dans l’autre antre de la force : le Frankenjura.

Après s’être attaqué au fief des Godoffe, Frigault et autre Avarre, c’est à celui de Güllich qu’il se prend. On connaît du Franken sa réputation (sûrement exagérée) d’exigence. Pendant de nombreuses années, le seul grimpeur étranger à avoir fait un 8c dans cette région était le très polyvalent Jean-Minh Trinh-Thieu (Burn for U). Puis Garth Miller (il aurait fait un 8b à vue avec Pharao) et surtout Iker Pou surent montrer une rare réussite dans les voies de la Frankische. Alors même que de nombreux ténors (Fred Rouhling, Klem Loskot et plus récemment Axel Franco) repartaient bredouilles de la région. On en arrivait à s’y rendre dans la plus grande discrétion (une grande partie des forts grimpeurs français avaient à une époque fait le déplacement, sans résultat concluant). Ou bien, on invoquait un peu vite des conditions météos désastreuses (là encore, c’est un peu une légende à laquelle il faut mettre un terme : on trouve d’avantage de résurgences dans les colonnettes du sud de la France que dans les trous du Franken). Bref, jusqu’à l’année dernière, la performance dans le Franken était le terrain quasi exclusif des locaux (à part donc Jean-Minh Trinh-Thieu, Luc Thibal, Jerry Moffat ou, plus récemment, Iker Pou, Pierre Bollinger ou Sébastien Hémery).

Depuis dix jours, c’est l’explosion dans le Franken avec le retour d’Iker Pour (dont le palmarès en voies au-dessus de 8c dépasse maintenant celui des locaux, dont le talent n’est pourtant plus à démontrer –Markus Bock, Markus Windisch et Werner Thon, entre autres-) et surtout de celui qu’il est légitime maintenant d’appeler un phénomène : Dave Graham, toujours lui. Son parcours est sans faute, il s’attaque un par un à toutes les références de la haute difficulté en Europe avec hier une apothéose : l’ascension express d’Action Direct, une voie dont l’extrême difficulté n’est plus à prouver. Les deux précédents répétiteurs s’étaient véritablement investis (jamais moins d’un an, un entraînement spécifique, un régime rigoureux afin de ne pas se blesser) dans cette voie qui a même représenté un aboutissement pour le talentueux grimpeur de Nüremberg Alexandre Adler qui, depuis cette apogée, ne donne plus dans l’extrême. D’ailleurs, on remarque qu’en France, les ascensionnistes de cette voie n’ont eu le droit qu’à une gloire toute relative, alors qu’un 8b+ à vue remplit de nombreuses pages dans les magazines (je parle bien sûr du battage médiatique autour de la performance de Yuji Hirayama dans Mortal Komba, une voie qui est, aujourd’hui, en passe de descendre à 8b). Dave Graham, dont on a dorénavant tous entendu parler mais dont on ne connaît rien, adopte le même profil d’humilité de ces prédécesseurs. Il semblerait que gravir Action Direct s’installe bien plus dans une démarche éminemment personnelle d’accomplissement de soi que dans une recherche effrénée d’un triomphe médiatique. À milles lieux donc de l’arrogance d’un compétiteurs français (François Petit pour ne pas le citer) qui, il y a peu encore, affirmer dans l’Equipe Magazine " vouloir dominer le monde de l’escalade ". Le moins que l’on puisse dire est que c’est très mal parti …

La petite sphère du haut niveau en escalade (qui s’agrandit conséquemment ces temps-ci) semble de plus en plus se déchirer entre celle de la renommée et celle de l’efficacité. Inutile de rappeler que le charisme se fonde bien plus sur la recherche noble d’un résultat que dans celle de la publicité à tout prix. Qui est Graham ? Pourquoi est-il aussi fort ? Des questions auxquelles il ne vaut peut-être mieux pas répondre afin que le rêve perdure.

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