18 January 2008

Sébastien Brugalla, grimpeur enthousiaste

 

Rencontre avec Sébastien Brugalla,

grimpeur enthousiaste

 

Lorsqu'on s’est croisé au mois d’août dernier à Rodellar, ce jeune grimpeur pyrénéen de 19 ans redescendait de Geminis, la voie phare du secteur Gran Boveda. Il venait de livrer un combat d’anthologie ; les grimpeurs présents ce soir là s’en souviennent encore !... Parti dans la voie pour un dernier essai, on lui donnait vraiment peu de chances de réussir tellement on le sentait fatigué et limite sur de nombreux mouvements. Bien que poussé dans ses derniers retranchements, Sébastien montra une capacité rare à rester relâché et à aller au bout de chaque mouvement. C’est peut-être cette combativité à toute épreuve et sa technique, plus que ses qualités physiques, qui le distinguent particulièrement des jeunes de sa génération, qui grandissent d’abord au contact de la résine.

 

 

 

 

 

Les quelques mots échangés lors de notre rencontre ont laissé percevoir un concentré d’énergie, doublé d’un enthousiasme communicatif et j’ai eu envie d’en savoir plus.

En seulement 4 ans de pratique, Sébastien a brûlé plus d’une étape pour atteindre un très bon niveau. Ceci dit, la falaise n’est pas sa première vocation, puisque c’est en montagne qu’il a débuté aux cotés de son frère Nicolas, à qui il doit ses premières sorties. Sa rencontre avec Serge Castéran lors d’un stage escalade lui fait découvrir une autre dimension de l’activité : « Si j’ai autant progressé en si peu de temps, c’est beaucoup grâce à lui ». Aujourd’hui, l’enfant du pays s’est décidé à quitter son berceau pyrénéen et se tourne vers les Alpes pour « acquérir de l’expérience » dit-il sagement, et avec l’espoir de rencontrer des personnes qui partagent sa double vocation de l’escalade et de l’alpinisme.

 

 

 

Au fil des images, Sébastien commente son ascension dans Pata Negra (8c) à Rodellar :

 

Voila le repos bien mérité après deux sections dures.

 Il fait chaud , je pense à la sortie. 

«  Allez, j’y vais ! Non va, repose toi encore un peu... Cette fois, c’est parti ! Non, encore une minute, j’ai mal au bras droit... »

Tu as beaucoup grimpé cette année, peux-tu nous faire un bref résumé ?

J'ai pris une année de disponibilité, c'est ce qu’on dit, non, pour ne pas paraître trop glandeur ?... Tout ça dans le but de progresser un max en falaise et en montagne. En effet, j’ai passé la plupart de mon temps à grimper, notamment à Troubat, puisque je ne faisais pas d’études. Ca m’a permis de faire de super voies comme par exemple Jeu de Lego (8b) ou Silence (8b+) une voie que je qualifie de « magique ». C’est une voie mythique pour moi, elle m’a fait beaucoup progresser autant physiquement que psychologiquement car je n’ai jamais tapé autant d’essais dans une voie en tombant à autant d’endroits différents.

Le pas du toit, un mouvement hors norme que l’on ne voit pas tous les jours, super sympa !…

Tu as découvert ta passion en commençant par sortir en montagne. Comment tu gères les deux ?

J’adore autant grimper en falaise qu'en montagne, je suis vraiment passionné par l’alpinisme que je pratique la plupart du temps avec mon frère. C’est difficile de trouver des jeunes de mon âge autant motivés par la falaise que pour faire une course en montagne. J’aurai aimé sortir davantage cette année, mais j’ai quand même fait quelques sorties supers.

Je compte beaucoup sur les Alpes pour trouver des gens motivés à la fois par la grimpe et l’alpinisme. La montagne me permet de vivre des trucs beaucoup plus intenses et d’avoir des moments plus proches avec le compagnon de cordée que si j’étais simplement allé en falaise. L’alpinisme m’apporte plein de choses dont j’ai besoin et envie et que je ne trouve pas au travers de l’escalade en falaise.

J’ai toujours admiré les personnes qui arrivent à être au plus haut niveau dans les deux domaines.

Allez, c’est la sortie il faut tout donner !

Grâce au gros talon droit,

 je vais chercher la première prise main droite...

On s’est rencontré à Rodellar ; tu passes pas mal de temps là-bas, non ?

Cet été ça m’a permis de rencontrer plein de personnes super sympas avec qui j’ai passé des moments et plus particulièrement de supers soirées.

J’y ai fait de très belles voies, comme Geminis et Pata Negra, toutes deux 8c.

J’étais vraiment super content d’avoir fait cette dernière, car quand je suis venu pour la première fois à Rodellar, il y a de ça trois ans, j’étais dans le 6c/7a. Et pour moi, Pata Negra était une voie impossible que je n’envisageais pas du tout et que je ne pensais pas envisager un jour. Pata Negra était vraiment le mythe, l'incarnation même de la maxi voie... Et après avoir fait Geminis, je me suis dit : « vas voir Pata, c’est possible ». Et ça m’a beaucoup motivé d'être près d'enchaîner une voie que je considérais inconcevable, il y a de ça trois ans.

Ayant peu l’habitude de grimper dans du toit, Pata Negra me coûtait beaucoup physiquement. Après m’être calé un peu dans les mouvements, le problème est vite arrivé à la fin de la deuxième section bloc et dans les quelques mouvements encore un peu durs après. Mais je me disais que si j’arrivais au repos avec le genou, j’avais pas mal de chance de faire la voie. Je ne me voyais pas trop tomber à la sortie car la dernière section dure sur réglettes me convenait bien. C’est exactement ce qui s’est passé, puisque la seule fois où je suis arrivé au repos, j’ai enchaîné la voie… J’adore ce genre de sections à petites prises, à petits mouvements et bien rési, peut-être parce que j’ai passé beaucoup de temps à Troubat.

Je bouge les pieds

Je cale la lolotte,

Le plus bas possible, pour se caler le bassin et c’est parti !

J’envoie sur la règle.

Je la serre, les bras chauffent.

C’est pas grave c’est bientôt la fin

Je bouge encore les pieds,

Je mets la lolotte de l’autre coté.

Là, ça devient dur !

Mais j’ai déjà les yeux rivés sur la prise à quelques centimètres de moi

et qui signifiera que j’ai fait la croix...

La prochaine, c’est la bonne…

Avec le recul, rejoins-tu Guillaume Lebret et Christophe Zéhani qui optent pour 8b+ à propos de Geminis, Guillaume dit même gentil 8b+ ?

Je ne veux pas encore créer de polémiques par rapport aux cotations puisque cela est très subjectif et diffère beaucoup selon les personnes et les conditions où l’on fait la croix. Peut-être Geminis est seulement 8b+, peut-être c’est 8c. Ce que je dis c’est que pour moi Pata est bien plus dure que Geminis. En effet, Geminis m’a coûté cinq essais alors que Pata Negra m’a plutôt couté cinq jours. Après à chacun d’en tirer ses conclusions…

 

 

 

 

Et voilà, c’est fini !

Les bras tirent, mais ce n’est pas grave.

C’est que du bonheur

Dans quelques secondes je clippe le relais…

Je crois savoir que tu équipes. Qu’est-ce que cela t’apporte ?

En effet, ayant du temps de disponible et aussi l’envie, j’ai été conseillé par plusieurs personnes (Daniel Lanne, Serge Casteran, Gérard Berbadet …) puis je me suis lancé…

Cela me plait beaucoup et je pense que c’est important de s’investir et de jouer aussi le jeu pour le développement de notre sport. Et puis c’est super quand c’est fini, de grimper dans une voie toute neuve que l'on vient d'équiper ou qu'un ami vient d'équiper et d'être parmi les premières personnes à essayer. En soit, équiper est aussi un plaisir...

A Troubat : Climb more think less 7b+.

A Rodellar, entre le Petit Paradis et la Piscineta : Le monstre de l’étang, 7c+ et La chica Violetta 8b (

un nom en l'honneur d'une soirée mémorable entre potes, le genre de soirée magique qu'on oublie jamais !!...)

Le camp de base à Rodellar où Sébastien a passé tout l'été.

 

 

 

Dans le bas de Geminis, Rodellar.

Au secteur Piscineta, toujours à Rodellar.

Depuis notre interview réailisée l'automne dernier, Sébastien fait ses "classes" à Chamonix :  « Il va falloir que je passe par l’école et pour être sincère, il ne me tarde par trop de faire les trois mois d’école et de mettre le képi. Mais bon, pour faire ce métier il faut en passer par là. » Il va bientôt intégrer le PGHM d'Annecy en tant qu’auxiliaire, avec la perspective de rentrer dans les secours en montagne et de passer son diplôme de guide.

N'hésitez pas à lui laisser un message, si vous aussi, le glaçon ou le caillou vous démange.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le garçon a très bon esprit !...

Toutes les photos prises à Rodellar sont de Miquel Catita (http://www.flickr.com/photos/jandiro/)

Début du couloir de Gaube au Vignemale

Grande cascade est du lac d'Oo dans le luchonais

Dans Ophite, en face nord du Vignemale par Pique Longue

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